La situation des migrants
domestiques au niveau de la Mauritanie est loin d’être enviable au vu des
conditions difficiles qu’ils vivent quotidiennement dans leur travail, à
longueur de journée. Ils sont appelés à faire toutes sortes de corvées : entretien
des locaux, cuisine, linge, arrosage des
fleurs, courses pour des provisions, etc.…..C’est une pratique de l’esclavage
moderne.
Difficile de décrocher une
interview auprès de ces victimes par peur de représailles des employeurs, ou s’ils
décident de se livrer, ils le font sous le sceau de l’anonymat.
FC est un migrant d’origine
malienne, il est venu à Nouadhibou depuis plus de neuf mois à la recherche
d’une vie meilleure, laissant derrière lui sa famille, qui vivote à cause de
cette guerre que lui ont imposée les islamistes. Il fondait de grands espoirs
en arrivant dans cette capitale économique qu’est Nouadhibou ; il
espérait trouver une vie de rêve, une
vie meilleure. Mais très vite, ce jeune homme a du déchanter à cause des difficultés rencontrées dans l’exercice
de sa fonction. Il était employé dans une clinique de la place pour assurer
l’entretien des lieux, avec un salaire de 30 000 ouguiya. (75 Euros), inférieur
au SMIG, qui est de 31 000 ouguiya (77,5 Euros)
Au début, il travaillait de 9 heures
à 12 heures, parfois jusqu’à 13 heures. Mais un mois après, l’employeur lui
augmente des tâches : faire des courses pour payer des provisions, faire
le thé, etc.… Au lieu d’une fois, l’entretien se fait désormais trois fois dans
la journée. Il travaille de 9 heures à 3 heures du matin, parfois jusqu’à 4 heures, sans possibilité de se
reposer, ni dormir suffisamment, encore moins de vaquer à ses occupations, et
subit toutes sortes de brimades, de la part de l’employeur, qui n’est jamais
satisfait de son travail, trouvant toujours un prétexte pour le blâmer. A la
moindre incartade, ce dernier n’hésite pas à le gronder à l’image d’un petit
enfant. Excédé par ces comportements, FC a du abandonner son travail, après
cinq mois d’activités et depuis il est à la recherche d’un emploi.
Présentement, il songe à
retourner au bercail, étant donné qu’il n’arrive pas à trouver un autre travail.
Son employeur lui avait promis de
lui payer une carte de séjour pour qu’il soit en règle, une promesse qui est restée lettre morte.
Car, actuellement le séjour des
étrangers en Mauritanie est règlementé par la possession d’une carte, d’une
validité d’un an. Elle coûte 30 000 ouguiya, qui est l’équivalent du salaire de
FC.
Beaucoup de cartes de séjour sont
en souffrance au Centre d’Enregistrement des Étrangers.
A la date du 12 septembre 2013, près de 14303 étrangers sont enregistrés et
seulement 5076 cartes ont été retirées. Ces retraits concernent principalement
les ressortissants des pays d’Europe, de chine et du Maroc, l’affirmation est
de l’agent Berrou qui officie dans le centre.
La plupart des ressortissants des
autres pays de la sous région, comme le Sénégal ou le Mail, n’ont pas retiré
leurs cartes.
Au vu des salaires trop bas des
domestiques, ils pourront difficilement réunir les montants suffisants pour
payer la carte de séjour. Il faut noter que les 80% des migrants sont constitués de domestiques, selon
le constat de Niang Mamadou, un Responsable à la CGTM, une centrale syndicale.
Faute d’avoir la carte de séjour,
c’est l’expulsion du territoire qui s’en suivra.
Ce fameux sésame instauré depuis
plus d’un an, donne à son détenteur, la possibilité de circuler librement sur
le territoire national, mais elle n’est pas synonyme d’autorisation de travail.
Seulement, elle constitue une condition pour prétendre à un permis de travail,
dont les démarches sont entreprises par l’employeur qui adresse une demande au
Directeur de l’Emploi. Rappelons à ce sujet que l’obtention de ce fameux document qu’est le
permis de travail relève véritablement d’un parcours de combattant. La
législation mauritanienne est très contraignante en la matière. Selon la loi n°
07-2004 du 6 juillet 2004, portant Code du Travail qui renvoie au Décret 74.092
du 19 avril 1974 et modifié par le Décret 2009-226 du 29 octobre 2009, tout
travailleur étranger qui veut exercer un métier salarié, doit obtenir un permis
de travail. Il existe deux sortes de permis de travail : le permis
« A » et le permis « B ». Le permis « A » donne
droit au travailleur étranger d’exercer une activité bien définie auprès d’un
employeur identité durant une période maximale de deux ans. Pour obtenir ce permis « A »,
il va falloir que le travailleur justifie une qualification pour le poste ainsi choisi et qu’aucun
Mauritanien ne puisse l’exercer faute de qualification professionnelle. Et en
fin, il faut que « l’employeur ou le travailleur étranger » n’ait pas
fait une infraction à loi par rapport aux dispositions règlementant « la
main d’œuvre étrangère » durant les « cinq dernières
années ». Il est précisé à l’article 5,
toujours dans ce Décret 2009-226 du 29 octobre 2009 que les entreprises
qui emploient plus de dix personnes, « l’autorisation d’occuper un
travailleur étranger ne pourra être accordée que si elle est conforme à un plan
de mauritanisation progressive et rationnelle
des emplois préalablement approuvés par le Directeur de l’Emploi ».
Le permis « B » donne
lieu à son titulaire d’occuper un poste
salarié auprès d’un employeur dont la durée d’établissement sur le territoire
national a atteint quatre ans. « Il est délivré, sur la base de la
réciprocité, à tout travailleur ressortissant d’un Etat ayant signé avec la
Mauritanie des accords, traités ou conventions en la matière.
Un employé salarié ou indépendant
peut prétendre au permis « B » à condition de résider en Mauritanie
pendant « au moins » une durée de 8 ans et y travailler en respectant
les lois et règlements en vigueur.
Pour revenir dans le cadre du
travail domestique, il faut préciser que le cas FC n’est pas isolé, il est beaucoup plus
frappant chez les femmes comme en atteste ce témoignage de la Présidente du
Comité de veille, Moulkheîry Sidiel Mustapha, pour les migrations à la CGTM, qui s’active dans la
défense des droits des migrants. Rappelons au passage que la CGTM a ouvert un centre pour les migrations en 2008, qui a pour
mission de soutenir les actions des migrants, par la formation, la sensibilisation de leurs droits et la défense
de leurs intérêts auprès des tribunaux. Selon l’interview qu’elle a accordé à International
Trade Union Confederation, Moulkheiry affirme que les femmes domestiques
migrantes vivent une situation très déplorable, « parce que leur lieu de
travail est à l’abri des regards, sans reconnaissance légale, la plupart du
temps sans statut et sans contrat ».Toujours, selon elle, le lieu où elles
dorment est incommode, un coin de cuisine peut
servir d’abri pour dormir et la disponibilité de la domestique doit être
totale ; à toute heure de la nuit, elle peut être réveillée pour accomplir
une tâche, prévient-elle. Réclamer son salaire quand il est en retard peut
faire l’objet d’une violence physique, martèle-elle.
Cette situation que vivent les
domestiques migrantes n’échappe pas à leurs consoeurs Mauritaniennes, qui
subissent les mêmes problèmes. Hapsatou, une femme Mauritanienne travaillant
comme domestique à Nouadhibou, raconte que dès sa prise de fonctions,
l’employeuse a laissé tomber
intentionnellement de l’argent dans la salle pour vérifier si elle n’est pas
une voleuse. Une pratique récurrente, qu’elle a vécue plusieurs fois. C’est le
premier acte que la patronne pose dès le premier jour de travail.
Les travaux de domestique comme
mentionnés en haut englobent plusieurs tâches, il est impossible de se reposer
pour l’employée. Tous les membres de la famille, couchés confortablement dans
les salons, agissant comme des rois et sollicitant à tout bout de champ, les
services d’une domestique épuisée, qui n’ose pas broncher.
Avec des salaires misérables qui
tournent autour de 20 000, 25 000 et 30 000 ouguiya (50, 62,5 et
75 Euros), d’après Hapsatou, ces montants peinent à couvrir les besoins
primaires de l’employée.
Et la seule chance qu’une
domestique puisse avoir, c’est de ne jamais tomber malade, de rester toujours
en bonne santé, impossible pour un être humain, parce que sinon elle risque de perdre
son emploi. Hapsatou l’a appris à ses dépens. Ce qui est triste dans son cas, c’est
que la maladie lui est survenue à la suite d’un travail de dur labeur. Elle a
été victime d’un mal de dos qui l’a contrainte à cesser de travailler. Ayant eu
vent de cette information, la patronne déclara qu’elle n’a pas besoin d’une domestique
malade, ce qui laisse présager qu’elle ne fera aucun effort pour soutenir la
pauvre dans son épreuve. Le traitement de Hapsatou aura duré 7 mois, qui a
nécessité beaucoup de moyens, pris en charge entièrement par les membres de sa
famille. Fort heureusement, elle s’est tirée d’affaires et veut tourner la page
du travail domestique.
Devant la situation très critique
de ces êtres fragiles, le BIT (Bureau International du Travail) a décidé d’agir
en organisant une conférence internationale en
juin 2011 à Genève avec la participation de plusieurs pays, dont la
Mauritanie, pour l’adoption d’une convention sur les droits des domestiques à
l’échelle mondiale. La Mauritanie a adopté la convention mais elle ne l’a pas encore
ratifiée, d’où le travail de sensibilisation que mène la CGTM auprès de l’opinion
publique pour sa ratification.
La centrale syndicale a organisé
une grande manifestation à Nouakchott, en 2012, qui a vu la participation de nombreuses organisations de défense des
droits de l’homme, pour plaider en faveur de la convention, qui garantit les
droits des travailleurs domestiques. Cette convention s’étale sur 21 pages,
elle passe en revue tous les éléments essentiels pour une meilleure prise en
charge par les Etats, des problèmes que rencontrent les domestiques dans leur
travail. Désormais, les maisons où travaillent les domestiques ne seront plus
fermées aux défenseurs des droits des travailleurs après la ratification de la
convention, elles seront considérées comme des lieux de travail, donc
accessibles au même titre que les entreprises, dixit Niang Mamadou.
L’article 7 de la convention résume tout
le sens et la portée des changements de comportements que doivent opérer les
employeurs des domestiques :
« Tout Membre doit prendre des
mesures afin d’assurer que les travailleurs domestiques soient informés de
leurs conditions d’emploi d’une manière appropriée, vérifiable et facilement
compréhensible, de préférence, lorsque cela est possible, au moyen d’un contrat
écrit conformément à la législation nationale ou aux conventions collectives ».
Moussa Abou BA,
Nouadhibou Soir
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